Par le hublot de l’avion, nous apercevons la ville endormie plongée dans le noir. Seul subsiste un dédale orangé de petits points lumineux entremêlés en formes complexes par-delà les sombres collines. Nous atterrissons à l’aéroport d’Amman engourdis par un sommeil entrecoupé et agité. Dans ce semblant de désert, quelqu’un nous attend, plus étourdi et plus somnolent que nous, un café à la main pour effacer les effets d’un réveil trop matinal. Sur son visage, un grand sourire tente de faire disparaitre la fatigue, un sourire qui, comme nous l’apprendrons bien vite, nous accueillerait chaque jour.
Rami nous conduit jusqu’à notre appartement à Khalda, une zone commerciale au nord-ouest de la ville. Juste le temps de fumer une cigarette sur le balcon avant d’aller dormir, finalement. Le lendemain, le soleil se lève sur la cité blanche, le ciel se teinte d’un délicat bleu clair et la voix magnétique d’un muezzin se confond avec la brise matinale : « Je suis en Jordanie » et ce n’est que maintenant que j’en prends pleinement conscience, malgré l’attente, malgré les préparatifs. Ce n’est que maintenant que je comprends que mon voyage vient de commencer. Le scénario est parfait, le timing aussi.
Amman n’est pas une ville qui se laisse apprivoisée facilement. On est submergé par ses bâtiments grisâtres, par ses grandes rues qui débordent de voitures, par la difficulté à s’y frayer un chemin. On est éblouit par les néons de centaines de magasins et de fast-foods et assourdit par le bruit des klaxons et des travaux en cours. Mais bien vite une carte mentale, aussi précaire soit-elle, émerge de ce chaos pour vous aider à trouver votre chemin parmi le trafic et la rumeur de la ville. On finit par s’habituer à sa nouvelle routine quotidienne et la ville devient familière. Ce n’est qu’à ce moment que l’on peut vraiment commencer à apprécier Amman. Lorsque le patron du bar à chicha vous reconnait et vous accueille avec son plus beau sourire, lorsque vous savez où trouver les meilleures falafels ou les endroits où l’on joue de la bonne musique. Lorsque vous voulez échapper à Khalda pour profiter d’une promenade sur la luxuriante Rainbow Street.
De là, j’aime assister au coucher de soleil sur la citadelle d’Amman (Jabal Al-Qala’a) sise au sommet d’une colline. La lumière dorée et les ombres grandissantes parent d’une beauté inhabituelle la ville et ses maisons blanches écrasées sur les pentes des collines. Ce spectacle nous rappelle que derrière le désordre de la grande métropole, de la ville moderne, Amman cache une âme chaleureuse qui ne s’apprécie vraiment qu’en y vivant et en goûtant à tous ces petits plaisirs au jour le jour.
Alessia Carnevale
Antea Enna
Mario Paciolla